Fin du bal juridique pour le Boléro de Ravel ?
Maurice Ravel au piano / Roland-Manuel 1912-1913 - Source gallica.bnf.fr / BnF
Le 28 juin dernier, le Tribunal Judiciaire de Nanterre a tranché : Maurice Ravel est bien le seul auteur de l’œuvre Boléro et celle-ci a intégré le domaine public en 2016.
La question ne relevait pas de l’évidence car depuis plusieurs années déjà, les ayants droits de Ravel lui-même et de Alexandre Benois (peintre/décorateur du ballet d’origine) sollicitaient de la SACEM qu’elle inscrive M.Benois et Mme Nijinska (chorégraphe du ballet d’origine) en tant que coauteurs de l’œuvre musicale.
Pour comprendre la problématique, on rappellera que le Code de la propriété intellectuelle distingue notamment les œuvres dont la création repose sur un seul auteur et les œuvres auxquelles plusieurs personnes ont « concouru » (les œuvres dites de collaboration).
Dans le cadre d’une œuvre de collaboration, chaque participant est co-auteur de l’œuvre dans son intégralité à condition de démontrer une participation effective et personnelle qui a été formalisée. Les co-auteurs se partagent ensuite la rémunération découlant de l’exploitation de l’œuvre.
Dans l’affaire Ravel, les ayants droits Ravel et Benois prétendaient que la composition musicale était en réalité indissociable du ballet d’origine (car créée spécifiquement pour le ballet) et que l’apport du décorateur et de la chorégraphe de l’époque justifiaient leur qualité de co-auteur.
Cela devait impacter la durée de protection de l’œuvre car la protection d’une œuvre de collaboration perdure jusqu’à 70 ans après le décès du dernier co-auteur. A en suivre l’argumentaire des ayants droits, on ne devait donc pas tenir compte de la date de décès de Maurice Ravel mais de celle, plus récente, du décorateur, co-auteur de l’œuvre, voire de la chorégraphe.
Pour quelles conséquences ? une protection supplémentaire jusqu’en 2039 a minima et plusieurs centaines de milliers d’euros annuels à la clé…
Le Tribunal se range pourtant du côté de la SACEM et refuse de faire renaître des droits patrimoniaux sur la célèbre mélodie, jouée pour la première fois à l’Opéra Garnier en 1928 !
Dans le communiqué transmis par le Tribunal Judiciaire, il est indiqué que c’est à bon droit que la SACEM a considéré que les pièces du dossier ne justifiaient pas d’ajouter M. Benois comme co-auteur de l’œuvre. S’agissant de Mme Nijinska, le Tribunal se fonde également sur le manque d’éléments qui auraient démontré sa qualité de co-auteur et sur le fait qu’elle « n’avait jamais figuré sur la documentation du Boléro comme co-auteur ».
Cette décision reste susceptible d’appel. La partition envoutante de Ravel pourrait donc revenir sur le devant de la scène.
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